Le journal du comte Harry Kessler débute le 6 novembre 1918 pour s’achever le 30 septembre 1937.
Le monde sort de quatre années de guerre, l’Europe est exsangue, la révolution russe a triomphé du tsarisme, les Etats-Unis sont devenus la première puissance mondiale, des Etats vont naître sur les cendres de l’Empire Austro-Hongrois et, en Allemagne, la République de Weimar – première expérience démocratique allemande – voit le jour pour connaître une existence brève mais tumultueuse, qui se terminera par l’avènement d’Hitler.
Diplomate, éditeur, auteur, penseur, Kessler était surtout un démocrate convaincu, un homme profondément à faire progresser la justice sociale, un humaniste, cosmopolite et pacifiste.
On verra Kessler côtoyer d’une part tous les acteurs de la République de Weimar et de la conclusion du traité de paix (Ebert, Stresemann, Rathenau, …), mais aussi de nombreux membres de l’élite intellectuelle du temps, tant en Allemagne (le poète Hoffmannsthal, les peintres Grosz et Dix, Albert Einstein, …) qu’ailleurs en Europe (Gide, Valéry, le sculpteur Maillol, …). Il est intéressant de noter ici, que quatre années de guerre, suivies d’un armistice plusieurs fois prorogé et de très longues négociations de paix au cours desquelles vont se déchaîner les antagonismes entre vainqueurs et vaincus, ne sont pas venue à bout des contacts personnels préexistants dans les sphères intellectuelles européennes.
Ces Cahiers m’ont appris que le projet de Société des Nations édicté par les Alliés dès 1919 a fait l’objet de contre-propositions. Le comte Kessler fut l’auteur de l’une d’elles : une alternative, qu’il appellera la Société des Peuples et qui serait constituée non pas de représentants des Etats (« adversaires naturelles »), mais bien de représentants d’organisations internationales comme par exemple l’Union internationale des travailleurs ou les associations humanitaires ou scientifiques, visant ainsi à prendre en compte la réalité des « liens économiques et humains qui tendent naturellement à l’internationalisation ». Kessler voyait dans ce projet une probabilité élevée de pouvoir régler efficacement des aspects comme les dettes de guerre et la reconstruction, mais aussi d’assurer la pérennité de la paix.
Il va sans dire que ce démocrate éclairé, ne pouvait qu’avoir à quitter l’Allemagne en 1933, après l’avènement d’Adolf Hitler !
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