Toutes les raisons qui ont pu mené cet immense écrivain au suicide me semblent être expliquées de sa propre plume dans Le Monde d'hier - Souvenirs d'un Européen.
Zweig quittera l'Autriche pour l'Angleterre suite à l'écrasement par le chancelier Dollfuss d'une soi-disant révolution ouvrière. A ce propos, l'auteur écrit:
"Pendant trois jours, des combats acharnés se livrèrent [...]: ce fut la dernière fois avant la guerre d'Espagne qu'en Europe la démocratie se défendit contre le fascisme".La disparition subséquente du Parti Social-Démocrate marqua la fin de la démocratie en Autriche, condition imposée à Dollfuss par Mussolini afin d'étendre sa "protection" sur l'Autriche et de lui éviter ainsi de tomber - tout de suite - aux mains d'Hitler. Le jour-même d'une visite de la police autrichienne - venant chercher à son domicile des armes du Schutzbund (milice ouvrière sociale-démocrate) -, Zweig prît la décision de s'exiler pour l'Angleterre, tant il lui parût évident qu'il en était fini en Autriche de notions comme le respect de l'individu et de vie sa privée.
Bien que n'oubliant jamais la situation sur le continent et son évolution, Zweig put se sentir en Angleterre comme un invité ... jusqu'à l'anschluss! La République autrichienne cessant d'exister, l'écrivain - tellement cosmopolite d'esprit perdit - devint apatride, obligé de demander aux autorités britanniques le statut de réfugié, lui qui se sentait "survivant d'une époque plus libre et citoyen d'une république mondiale rêvée". A ce propos, il écrit:
"[...] depuis le jour où j'ai dû vivre avec des papiers ou des passeports véritablement étrangers, il m'a toujours semblé que je ne m'appartenais plus tout à fait.[...] [moi, le cosmopolite de naguère, j'ai sans cesse le sentiment aujourd'hui que je devrais témoigner une reconnaissance particulière pour chaque bouffée d'air qu'en respirant je soustrais à un peuple étranger."Et le statut, de Zweig changera, empirera, encore lorsque l'Allemagne ayant attaqué la Pologne, l'Angleterre déclara au IIIe Reich, poussant Zweig à s'exiler au Brésil.
Peut-être est-ce par une phrase extraite de la préface à ses Souvenirs d'un Européen, que Zweig résume le mieux le désespoir qui l'envahit et l'amena au suicide:
"[...] j'ai vu croître et se répandre sous mes yeux les grandes idéologies de masse, fascisme en Italie, national-socialisme en Allemagne, bolchévisme en Russie, et avant tout cette plaie des plaies, le nationalisme, qui a empoisonné la fleur de notre culture européenne. Il m'a fallu être le témoin [...] de cette inimaginable rechute de l'humanité dans un état de barbarie qu'on croyait depuis longtemps oublié [...]."
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